Fisterra, ici Fisterra ...
Terminus ! Tous les randonneurs descendent définitivement de chaussures qu’ils voudront bien laisser à la consigne ou au rebut selon les cas. Pour la sortie, veuillez emprunter les passages souterrains …
Hier soir n’était pas comme d’habitude. Tiens, c’est curieux cette expression qui m’est spontanément venue « comme d’habitude ». Non, je ne pensais pas à Claude François. Je suis en train de penser que la vie que j’ai menée ces derniers temps est pourvue de rituels. Il faut dire qu’en trois mois, j’ai eu tout le loisir d’ancrer des habitudes à mon quotidien. Durant ce vagabondage, j’avais une vie bien réglée, des points de repère que j’ai rapidement établis, parce que nécessaires. Donc mes pensées sont plutôt logiques, dans l’ordre des choses. Tout ceci pour dire qu’hier soir n’était pas comme les précédents. Une première sensation de cassure m’est apparue. Je savais que la dernière étape serait différente dans mon esprit.
Après une nuit entrecoupée de périodes d’éveil, nous avons pris notre petit-déjeuner avec Marie-Luce et Maria, puis, chacun a pris la route. Après plusieurs kilomètres d’un chemin boisé, l’océan est soudainement apparu à nos yeux. Je ne m’y attendais pas du tout. Plus nous avancions, plus le contour des côtes se précisait. J’ai alors réalisé que l’appendice sur notre gauche était Fisterra. Mon corps fut soumis à un brutal « serrage de tripes ». Comme je le pressentais, cette approche de Fisterra fut bien différente de celle de Santiago, que je n’ai cessé de considérer comme une ville étape.
Derrière un monument ou un lieu, est écrit en filigrane « OBJECTIF ». C’est l’ensemble de ces huit lettres qui a déclenché l’état émotionnel dans lequel je me suis trouvée en franchissant les portes de Fisterra. Je n’ai pas pu le ressentir à Santiago, ce filigrane y étant absent.
Tout ceci me ramène cinq ans en arrière. Jamais je n’oublierai cette même émotion ressentie lorsque j’ai aperçu les tours du quartier Monplaisir à Angers. Je venais de clore onze jours de marche depuis le Mont Saint Michel. Je me souviens que la majorité des personnes ayant effectué ce chemin avaient marché dans le sens inverse car ils pensaient qu’arriver sur ce magnifique édifice procurait un émoi d’une forte intensité. Ce fait s’est évidemment avéré puisqu’ils venaient tout simplement d’atteindre leur objectif. Mais, dans l’autre sens, je peux affirmer que cette intensité est similaire, même si les tours de Monplaisir sont moins attirantes que le Mont Saint Michel.
Pour résumer, le point de chute n’à aucune importance. Que ce soit un quartier d’Angers ou un lieu que l’on qualifie subjectivement de paradis, l’essentiel est d’atteindre son but. Je viens de réaliser le titre de mon blog : Joigny – Fisterra. Sur ce trait d’union, entre ces deux noms qui me sont chers, s’est tissé au fil de la progression, un tissu brodé de richesses.
Nous sommes dans un hôtel jusqu’à demain après-midi. Dans la matinée, nous nous rendrons sans sac à dos au kilomètre zéro du Camino, à Cap Finisterre, le bout de la Terre. C’est tout proche de l’hôtel. Puis, un bus nous ramènera à Santiago où nous passerons la nuit.
En attendant, il reste encore à mon esprit un travail de retour à la réalité. Je ne pense pas avoir passé au crible toutes mes émotions … D’ailleurs, en m’installant dans notre chambre d’un soir, j’étais légèrement perturbée car le rituel n’est désormais plus le même. Enfin, j’ai effectué les tâches essentielles, à savoir, la douche et la lessive. Au moins, je ne m’incommoderai plus avec mes odeurs de pèlerin.